Aaron Douglas est un artiste afro-américain moderniste qui, de manière pionnière, a très souvent abordé dans son travail les problèmes sociaux liés à la ségrégation aux États-Unis. Figure importante du mouvement de renaissance de Harlem, son tableau est marqué par des références à l’Égypte – les pyramides et la silhouette plate aux angles prononcés – dont l’esthétique était en vogue dans l’entre-deux-guerres.
L’artiste offre dans cette œuvre une vision dynamique et originale de la création.
Le geste créateur de Dieu est figuré par cette main immense qui dispense ses bienfaits tout en se tendant vers l’être humain qui, comme la plante, est tourné vers elle. L’atmosphère ondule, la création tourbillonne, s’élève et roule… l’artiste parvient à « montrer » le dynamisme créateur de Dieu dans cette composition qui semble se mouvoir sous nos yeux. Dieu ne cesse de créer « car c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 17,28).
Sommes-nous au soir du 6e jour ? Sans doute, puisque l’être humain est créé. L’artiste épure et récapitule : une plante pour figurer l’ensemble du végétal et « le adam » – utilisé dans les quatre premiers chapitres de la Genèse comme un nom commun pour figurer l’être humain primordial. Ce n’est qu’à partir du chapitre cinq qu’il évoque le prénom d’une personne distincte. Adam vient du terme « adamah » qui signifie terre.
La Genèse évoque la création de l’humain à partir de la Parole de Dieu, de la terre et du Souffle.
Ce même Souffle qui, au jour de la Pentecôte, fit éclater les barrières entre les humains rassemblés et leur fit prendre conscience que la foi est un langage universel.
Et pourquoi l’art ne le serait-il pas également ? Le mouvement de renaissance de Harlem, mouvement foisonnant tant sur le plan littéraire, musical que pictural voyait en l’art une manière de surmonter le fossé entre les Afro-Américains et les Américains blancs.
Tous, nous sommes des « terreux » que le Souffle a tissés. Cet humain a les pieds solidement ancrés dans la terre dont il semble, tel la plante, surgir. Solidarité du créé.
Comme déjà traversé par le signe de l’alliance, – l’arc-en-ciel -, l’humain est littéralement fait d’ombres et de lumière : en lui s’instille la lumière de sa Parole. Son attitude est faite d’at- tente et d’ouverture, ses mains sont prêtes à recevoir : il vient de la terre mais il est tourné vers le ciel ; en lui a lieu la rencontre.
Au verset 4 du psaume 32, la main de Dieu pèse sur l’homme, nuit et jour. Est-ce un sentiment d’oppression face à un dieu auquel on ne peut rien cacher ? Peut-être.
Mais ce qui pèse, ce qui est lourd est ce qui a de l’importance. En hébreu, le mot « gloire » (kabôd) signifie « être lourd ». Alors n’est-ce pas plutôt une main qui s’offre, comme celle figurée dans l’œuvre de Douglas, pour que le silence dans lequel s’enferme l’orant puisse être rom- pu ? Une main qui accompagne, comme posée sur une épaule pour guider vers l’expression des mots qui libèrent ?