Bernard Reymond est décédé le 29 juin 2025. Théologien protestant suisse, pasteur, intellectuel et passeur infatigable entre foi et culture, Bernard Reymond laisse derrière lui une œuvre considérable et un héritage vivant. Professeur honoraire de théologie pratique à l’Université de Lausanne, il fut l’une des figures les plus marquantes du protestantisme libéral francophone de la seconde moitié du XXe siècle et du début du XXIe.

Un parcours entre paroisse et université
Pasteur d’abord à l’Oratoire du Louvre à Paris, puis dans le canton de Vaud, c’est surtout à l’université qu’il marqua durablement la discipline. Dès les années 1970, il enseigna la théologie pratique avec la conviction que l’étude des pratiques religieuses devait s’enrichir des apports de la sociologie, de la littérature, des arts et de la philosophie.
Sa thèse de doctorat, Le procès de l’autorité dans la théologie d’Auguste Sabatier (1975), annonçait déjà les grandes lignes de son engagement intellectuel : un attachement profond à la pensée critique, à la liberté de conscience, et à une foi ouverte sur le monde moderne.
La culture comme terrain théologique
Chez Bernard Reymond, la culture n’était pas un territoire étranger à la foi, mais un champ d’interrogation et de révélation. Il s’est distingué par une série d’ouvrages originaux explorant les rapports entre protestantisme et divers domaines artistiques : la littérature (Le protestantisme et la littérature, 2008), les arts visuels (Le protestantisme et les images, 1999), l’architecture (L’architecture religieuse des protestants, 1996), le théâtre (Théâtre et christianisme, 2002) ou encore le cinéma (Le protestantisme et le cinéma, 2010). Ces livres témoignent d’une approche transversale et audacieuse, fondée sur l’idée que l’expérience esthétique peut aussi être lieu de foi, ou du moins d’interrogation spirituelle.
Traducteur et passeur de pensée
Féru de pensée allemande, Reymond fut aussi un traducteur et vulgarisateur de grands penseurs protestants. Il a notamment introduit au public francophone Friedrich Schleiermacher avec la traduction annotée de « De la religion. Discours aux personnes cultivées et un essai pédagogique », « À la découverte de Schleiermacher (2008) ». Il consacra également un ouvrage à Ernst Troeltsch (Ernst Troeltsch et la théologie en modernité, 2019), soulignant la pertinence sociologique et religieuse d’un protestantisme réfléchi et critique.
Une théologie libérale incarnée
Militant discret mais engagé du protestantisme libéral, Bernard Reymond a contribué à lui donner une épaisseur théorique et existentielle. Dans Sur les traces des théologies libérales (2004), il retraçait un demi-siècle de lectures, de rencontres et d’interrogations, dans une forme à la fois personnelle et analytique. Il y défendait un christianisme en dialogue, nourri par la critique historique, sensible à l’évolution des sociétés, et rétif à toute fermeture dogmatique.
Il fut l’un des fondateurs de la Société Internationale de Théologie Pratique (1992), marquant ainsi sa volonté de repenser la foi non comme un système clos, mais comme une pratique humaine, incarnée, traversée par les tensions de la modernité.
Une voix discrète, une œuvre durable
Bernard Reymond n’était pas un polémiste, il parlait avec rigueur, mais aussi avec humour, curiosité et finesse. Sa foi était exigeante, sans ostentation ; sa pensée, toujours ouverte à la complexité.
Son décès laisse une absence discrète, mais une présence durable dans les bibliothèques de théologie, dans les esprits de ses étudiants, et dans la pensée protestante européenne. Il demeure un modèle de ce que peut être un intellectuel croyant : ni prosélyte, ni relativiste, mais profondément enraciné dans la culture et tendu vers le sens.
Lire Bernard Reymond aujourd’hui, c’est retrouver une voix patiente et savante qui invite à croire sans ignorer, à penser sans exclure, et à espérer sans simplifier.
Les articles de Bernard Reymond sur Libre Croyant-e sont disponibles sur sa page d’auteur
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