Quand les Pères de l’Église nous surprennent et nous questionnent… Jacques-Noël Pérès, professeur de patristique à la faculté de théologie protestante de Paris, partage pour nous ces trésors du patrimoine chrétien.
Il est certain que les évêques ne sont
pas ordonnés pour être seulement
intendants agricoles ou cultivateurs,
mais pour s’adonner à la culture
spirituelle, celle, à coup sûr, dont
parlait l’apôtre : « J’ai planté, Apollos
a arrosé. »
Césaire d’Arles (ca. 470-543)
Sermons au peuple I, 5
Que penserait et, puisque son habitude n’était pas de taire sa pensée, que dirait Césaire d’Arles, s’il voyait aujourd’hui que les pasteurs des diverses Églises passent plus de temps qu’il n’est parfois utile, devant leur ordinateur, ou en de multiples réunions, ou encore à se dépenser en mille occupations qui ne relèvent pas directement de leur ministère ? Que dirait-il, s’il constatait que la catéchèse, la cure d’âme et la visite aux malades, voire la prédication, ne sont plus les tâches auxquelles ils s’adonnent, sinon toujours avec plaisir, en tout cas avec fidélité et constance ?
Je ne veux pas jeter la suspicion sur tant de collègues, dont je sais trop le dévouement et la joie qu’ils prennent à l’exercice de leur ministère. Qu’il me soit permis toutefois de regretter chez certains l’oubli – quelquefois – de ce qui est l’essentiel, ou la contrainte – souvent – où ils sont de laisser de côté en raison de quelque urgence ce même essentiel, qui est une parole capable d’ouvrir pour chacun un horizon nouveau. Appelons cela spiritualité. Appelons cela un sens donné à notre vie.
Césaire s’adresse au peuple. Il n’a pas au pied de sa chaire une élite, qu’elle soit intellectuelle ou des milieux du commerce ou du gouvernement. Tout un chacun est là, qui l’écoute. C’est eux tous qu’il a en vue, auxquels il souhaite une telle ouverture. S’il est, dans ses propos, brutal à l’égard des évêques de son temps, comme il le serait des pasteurs du nôtre, c’est parce qu’il est persuadé qu’hommes et femmes dans l’Église, et même au dehors, du plus humble au plus grand, ont besoin d’une nourriture spirituelle, sans que cela signifie pour Césaire dénoncer ce qui est matériel. Seulement il ne faut pas, au nom du matériel, oublier le spirituel. Il faut les conjuguer. Conjuguer la solidarité et l’espérance.