Plateforme du protestantisme de liberté et de progrès

Changer notre regard sur la vie carcérale

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Guillaume Monod

Laumônerie nationale des prisons de la Fédération Protestante de France est le vis-à-vis permanent du ministère de la justice et de l’administration pénitentiaire. Ses missions principales sont d’assurer le service cultuel en prison, accompagner les personnes engagées dans ce ministère, préparer les sessions de formation, organiser le travail de visite aux détenus pendant leur détention et effectuer un travail de vigilance sur le respect des Droits de l’Homme.

Le service Justice et Aumônerie des prisons (JAP) de la Fédération Protestante de France (FPF) est dirigé par un aumônier national, sa première tâche est de mettre en œuvre la nomination des aumôniers locaux sur proposition des aumôniers régionaux, eux-mêmes désignés par le Conseil de la Fédération. Ils sont issus des différentes branches du protestantisme, soit environ 360 femmes et hommes, intervenant dans les 190 établissements de métropole et d’outre-mer.

Les missions de l’Administration pénitentiaire sont de punir le délinquant, protéger la société et réinsérer les détenus. En pratique, elle assure les deux premières, mais la troisième fait bien souvent défaut. Par manque de moyens humains et financiers, incontestablement, mais peut-être plus encore parce que la réinsertion ne peut se faire que si la société accepte de réintégrer le détenu qui a purgé sa peine. Or les préjugés et les craintes dont sont victimes les anciens « tôlards » génèrent une méfiance et un rejet qui rendent d’autant plus difficile leur retour à une vie normale.

En lien avec une commission nationale qui l’accompagne et regroupe des professionnels de différentes sensibilités du monde protestant, le service JAP effectue un travail d’analyse, de réflexion théologique et de vigilance auprès des pouvoirs publics et de l’opinion publique en matière de justice et de sanction pénale, avec l’aide de juristes, philosophes, éducateurs, fonctionnaires de polices, médecins… Il a créé en janvier 2021 un blog qui a pour vocation de mieux faire connaître le quotidien de la vie carcérale. Ce blog se nourrit de témoignages des aumôniers, des détenus, des professionnels et bénévoles intervenant auprès de la population carcérale. Il propose des réflexions sur le sens de la peine, des renseignements statistiques et juridiques sur la population pénale, des observations « de terrain » sur la réalité du quotidien carcéral, des notes de lectures d’ouvrages particulièrement significatifs.

Une sanction pénale qui ne s’accompagne pas du pardon et de la charité n’est plus une punition légitime mais une violence illégitime, elle n’est plus un acte réfléchi de justice mais la manifestation d’une vengeance personnelle. Quiconque rencontrera les hommes et femmes, majeurs et mineurs, détenus dans les prisons françaises sera étonné de constater que dans leur grande majorité, ils acceptent leur peine et ne cherchent pas à nier leur culpabilité. Ce qu’ils refusent et dénoncent unanimement n’est pas tant la sévérité de la peine que les insuffisances et l’humiliation des conditions de détention. Conditions régulièrement dénoncées par les Aumôneries de toutes les Églises de France, les associations des droits de l’homme, telles que l’ACAT, la Croix-Rouge, les organismes internationaux tels que la Cour européenne des droits de l’homme.

Dans les Souvenirs de la maison des morts, Fédor Dostoïevski a relaté les années qu’il a passées dans les bagnes de Sibérie. Ayant vécu l’expérience de la détention, il affirmait que l’on peut juger du degré de civilisation d’une société à la façon dont elle traite ses prisonniers. Si l’ambition première du service JAP est d’apporter la parole de l’Évangile aux détenus, elle espère également contribuer à éclairer le grand public sur la réalité du monde carcéral, à abattre les préjugés et les rejets et à favoriser les processus de pardon et de réinsertion des anciens détenus.

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Guillaume Monod
est pédopsychiatre en région parisienne. Ancien contrôleur auprès du contrôleur général des lieux de privation de liberté, il continue de pratiquer en milieu carcéral pour une prise en charge des mineurs détenus et de leur famille. Il a notamment publié Tiphaine ou le silence du moi chez Albin Michel.
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