Nous savions déjà que le Christ nous avait libéré du sacré, mais de la religion, cela devient presque paradoxal. En effet si l’Evangile est le fond de la religion chrétienne, comment peut-il nous en libérer en même temps ?
Sans doute, cette question ferait sourire les quelques agnostiques ou athées qui par hasard tomberaient sur ces lignes, mais toute la question est là, et dans notre société sécularisée, cette question devient peut être salutaire.
En posant la question telle quelle, nous sommes invités à redéfinir les termes, au grand dam des tenants de la tradition et de la saine doctrine (mais sans doute sera-ce l’occasion d’entrer en dialogue et en disputatio ?).
Qu’est ce que la religion ?
D’aucun diront qu’une religion est un système de croyance organisée autour de la définition d’un divin, de la relation que l’humain a avec lui et des normes que cette relation doit prendre pour obtenir, de ce divin, un Salut ou une faveur. Ainsi, une religion ne peut se comprendre que comme l’ultime révélation d’un divin auprès de l’humain et comme la seule voie de salut (ici ou ailleurs). Et cependant, il ne peut y avoir qu’une diversité de religions, car il existe une diversité de croyances et de compréhensions religieuses du divin.
Ce que nous appelons et comprenons comme religion, n’est en fait qu’une conséquence de ce qu’est la religion. En fait, il faudrait entendre par religion l’intuition qu’a l’être humain devant l’infini de l’univers et le sentiment religieux qui en découle, c’est a dire du sentiment de ce qu’il est, de ce qu’est l’univers et de ce que l’un est pour l’autre et comment cela s’organise. Ce n’est que dans un second temps que la religion définit le divin qui correspond à ce sentiment religieux.
La religion, c’est le contact avec le divin
Ferdinand Buisson
Et au fils de l’histoire humaine, la religion se définit de plus en plus, et cherche à systématiser la croyance pour la rendre commune au plus grand nombre. Cette compréhension de la religion, comme une évolution du sentiment religieux est très bien définie dans ces mots de Buisson : « La religion, c’est le contact avec le divin, que le divin, je le répète, réside dans un fétiche ou dans un astre, dans les éclairs du Sinaï ou sur les sommets radieux de l’Olympe, dans l’immense nature ou dans une suprême personne vivante, ou enfin dans un Dieu idéal saisi au fond de la conscience. Voilà ce que crie l’histoire des religions de la première à la dernière page. »
Une fois redéfinie la religion, posons-nous la question de qu’est ce que l’Evangile.
Les évangélistes l’écrivent avec précision : « Jésus proclamait l’Évangile en disant : le Royaume de Dieu s’est approché (il est ici), changez radicalement et croyez à l’Evangile ». Mais faut-il encore comprendre ce qu’est le Royaume de Dieu.
On peut le comprendre comme un règne (tout comme il règne une atmosphère de paix dans certains lieux). Le divin ne règne pas en maître autoritaire. Son règne n’est pas un système, dans lequel on doit tout et on ne peut rien, sinon, tout espérer de celui qui est trop grand et trop loin. Au contraire, il faut voir ce règne comme la libération du système de soumission (obéissance) pour entrer dans celui de la confiance.
Discerner le divin qui règne dans sa vie
Ainsi l’Évangile est cette Bonne Nouvelle de la libération de l’humain qui trouve un divin qui lui permet d’avoir une place irremplaçable dans l’infini de l’univers. Dieu règne dans la conscience de chacun et lui permet de ne pas se penser comme rien au milieu de tout et ne pas se croire le tout dans l’infini.
Nous pourrions dire que l’Evangile c’est l’acceptation et l’expérimentation du sentiment religieux qui me permet d’intuitionner ma place dans l’univers, au plus proche comme au plus éloigné.
Voilà en quoi l’Evangile me libère de la religion, il permet à chacune et chacun, en conscience, de discerner le divin qui règne dans sa vie, plutôt que d’obéir aux normes que des humains veulent imposer comme divines. C’est nous libérer d’une relation écrasante et contraignante, pour découvrir la liberté d’une relation en confiance.
Christophe Cousinié
Pasteur