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Du Führer à l’école enfantine

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Gilles Bourquin

La banalité du quotidien peut-elle supporter le souvenir de l’horreur ? Au cœur de Berlin, à l’emplacement exact du bunker d’Hitler aujourd’hui totalement démoli, se trouve notamment… un jardin d’enfants, le Kindergarten Alegria, au numéro 12 de la Voßstraße. Le site internet de cet établissement exhibe une multitude de bambins joyeux s’adonnant aux activités créatrices. Est-il permis de danser, jouer, s’amuser là où la haine et la violence ont germé ? Visiblement, la vie a repris ses droits là où la mort a régné.

 En 1987, deux ans avant la chute du mur, tout le secteur de l’ancien Quartier général du Führer, situé alors à quelques centaines de mètres du mur, était désert et surveillé en permanence par des sentinelles armées. L’atmosphère y paraissait figée depuis la fin des atrocités de la guerre. La ville entière, d’ailleurs, semblait à cette époque ressasser le souvenir inexpugnable de la honte. On eût dit que les maisons éventrées, les terrains vagues, les stigmates des murs criblés de balles étaient ostensiblement conservés en signe d’autoflagellation.

 Ce genre macabre a aujourd’hui presque complètement disparu. La Voßstraße est méconnaissable. Dès 1988, les fondations de la chancellerie du Reich et celles du bunker ont été rasées lors de la construction de bâtiments résidentiels. Actuellement, il ne reste aucune trace du nazisme à cet endroit. Les autorités redoutaient que le site ne devienne un lieu de pèlerinage néonazi. D’autres s’insurgent que l’on ait ainsi fait table rase du centre névralgique d’une des plus grandes atrocités de l’histoire. Ailleurs dans la ville, la mémoire en est soigneusement conservée.

 L’urbanisme berlinois interroge nos rapports à l’histoire. Que faire de ces événements qui encombrent notre passé ? On reproche l’hypocrisie de ceux qui cherchent à en dissimuler les stigmates, mais on demande l’amnistie à ceux qui les exhibent. Le pardon, certes, n’est pas égal à l’oubli, mais il faut bien un jour tourner la page et refaire sa vie, si l’on ne veut pas devenir l’esclave perpétuel de son passé.

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Gilles Bourquin
Pasteur réformé de Rondchâtel et journaliste
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