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Quand l’impuissance de vivre amène à l’impuissance de vouloir vivre

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Couchez de soleil rougeoyant la mer
Gerd Altmann / Pixabay

Notre dernière douleur reste aussi notre dernière curiosité [1] 

Par ces mots, le philosophe replace la mort a cette jointure de notre existence, ou la douleur du départ vient également nous questionner. Aucune certitude n’est possible face à cette grande inconnue hélas si familière.

Et si la mort est de plus en plus mise de côté, ou du moins tente-t-on de l’effacer au maximum de notre vision, elle n’en reste pas moins que cette ultime visiteuse est une réalité devant laquelle chacun reste seul. Et penser la fin de la vie et le libre choix face à elle vient replacer chacune et chacun devant un questionnement profond où vie et mort s’éclairent mutuellement.

Le débat sur la fin de vie et l’aide à mourir rejoint l’expérience de nombreuses familles sinon de toutes.

Il est du rôle du gouvernement d’une nation de légiférer et particulièrement dans ce domaine surtout quand les pratiques libératrices existent mais sont mal encadrées et sans contour juridique précis.

L’évolution sociétale et la législation qui l’accompagne sont de la responsabilité du politique. Dans un sujet aussi sensible que l’aide à mourir, comme sur d’autres dans l’histoire de notre pays – dont certains sont inscrits aujourd’hui dans la Constitution – il faut saluer le courage du législateur d’oser aller sur le plan éthique et de nous questionner par la même occasion. Car en fait qui peut être certains face un proche qui souffre, ou face a ses propres souffrances. La réalité se confronte aux convictions et il est bien difficile d’affirmer : « moi ! jamais ».

En République et en démocratie, chacune et chacun est libre de ses opinions, de ses convictions et de ses croyances. Et il est particulièrement compréhensible que ces opinions, convictions ou croyances puissent être en contradiction, parfois radicale, avec un projet de loi.

Mais au nom même du principe de laïcité qui garantit la liberté et l’égalité de tous devant la loi, il est important de ne pas entrer dans la tentation de comprendre une vérité particulière comme absolue.

Dans le domaine de l’accompagnement dans la fin de vie, il reste plus que nécessaire de rappeler le principe fondamental de chaque individu, celui de la liberté de conscience.

Le projet de loi portant sur le libre choix de la fin de vie est le dernier progrès en matière de liberté de conscience. La possibilité du choix individuel, en conscience, est un acte de liberté. Quel que soit la conception du divin, il est impossible que quoi que ce soit s’impose à ce sanctuaire inviolable qu’est la conscience humaine.

Il est, bien évidemment, question de choix individuel et non pas de principe général pour tous. Ainsi est-il nécessaire d’accepter que l’impuissance de vivre amène à l’impuissance de vouloir vivre, et que s’enfuit le courage de poursuivre des horizons infinis.

Le libre-choix et la libre-croyance comme principes de vie de foi est un principe pour la vie et principes pour le choix de la fin de la vie. Dans ce domaine seule la conscience personnelle et libre, lieu où le divin parle à l’humain, est un espace de décision.

Tout le monde n’a pas la chance de finir sa vie dans la sérénité d’Un Moïse au sommet du mont Nébo qui peut contempler ce qu’il laisse comme promesse et comme accomplissement aux génération suivante. Tout le monde ne quitte pas cette terre rassasié de jours comme Job. Hélas il y a des moments ou avancer l’inéluctable départ est la promesse de la fin de la souffrance. La souffrance n’est pas la vocation humaine. La mort peut apparaître comme une libération pour de nombreuses familles. Libération pour celui dont la vie est une souffrance qui fait espérer le dernier lit humain, la terre ! Libération pour les proches qui voient disparaître dans la souffrance l’être aimé et dont les dernières heures d’existence seront comme un cauchemar au bout du souvenir. Il faut accepter et comprendre que la fleur fanée ne peut plus vivre. Et comme le dit le philosophe : Termine ta vie l’âme satisfaite [2].


[1] Jean-Marie Guyau, de l’irréligion de l’avenir, ed.1887, p.479

[2] Marc-Aurèle Pensées IV, 48

Image de Christophe Cousinié
Christophe Cousinié
Certifié de Sciences Po Paris dans la formation « Emouma, l’amphi des religions », pasteur de l’Epudf en Cévennes et secrétaire général de l’Union protestante libérale & progressiste.
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