À en croire les notices nécrologiques, aujourd’hui, l’on ne meurt plus. Au mieux, l’on décède. Sinon, on est rappelé à Dieu, on monte au ciel, on rejoint la lumière, et autres formules qui voudraient contourner la mort. Comme s’il suffisait de n’en pas parler pour l’éviter. Je ne me souviens pas que Jésus, dans les évangiles synoptiques, confonde la mort avec le rappel à Dieu. Au contraire, dit-il (Mt 22,32) : « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. » En suivant cette forte pensée, il faudrait donc écrire : « Nous sommes au regret de vous annoncer que Dieu ne s’occupe plus de M. X, car il est mort tel jour. »
Le seul endroit des évangiles synoptiques où il est question, de façon imagée, d’une vie au-delà de la mort est cette histoire du riche et du pauvre Lazare (Lc 16,19-31). Lazare rejoint après sa mort une sorte de paradis. Il n’est pas auprès de Dieu, mais d’Abraham. Ce n’est quand même pas la même compagnie !
Il est vrai que, dans l’évangile de Jean, Jésus, en mourant, « va au Père » et voudrait bien emmener tous ceux qui croient en lui. Jean reprend ici le schéma gnostique suivant lequel les âmes étaient à l’origine auprès de Dieu, puis se sont retrouvées sur terre, prisonnières d’un corps, et à la mort de celui-ci, peuvent enfin être délivrées et retourner auprès de Dieu, si toutefois elles l’ont mérité.
Autrement dit, tous ceux qui, au lieu de mourir, vont à Dieu, sont des gnostiques, peut-être même sans le savoir. Mais le gnosticisme avait bien des attraits. Le christianisme, après le premier siècle, s’en est beaucoup inspiré, tout en s’en défendant.