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Vincent Schmid

La notion de révélation semble assez simple : Dieu se révèle par sa Parole, dans la Bible. Vincent Schmid pense que l’on peut voir les choses de façon très différente : et si Dieu révélait l’Homme ?

L’idée que la Bible est fondée sur une révélation est un postulat théologique, c’est-à-dire un principe de base non démontré et non démontrable que l’on demande au croyant d’admettre. Il consiste à affirmer que Dieu prend l’initiative de s’adresser aux hommes. Il communique spontanément sa volonté et ses intentions par sa parole. Il s’adresse directement à Abraham, à Moïse, aux prophètes. « Dieu parla à tel ou à tel » est un leitmotiv de la Bible juive. Le prologue de l’évangile de Jean fait du Christ le révélateur du Père par excellence. Enfin la collection d’écrits qui racontent ces interventions divines est elle-même considérée comme inspirée (2 Tm 3,16).

  Il reste aux hommes à accueillir cette révélation qui se déploie dans leur histoire.

Il permet d’abord de se réserver une place de choix dans le concert des religions. Par définition la parole de Dieu est l’autorité ultime, ce qui la rend intouchable. Du coup les autres formes de croyance et de foi deviennent des erreurs à combattre. Au mieux, elles sont considérées comme de vagues introductions à la révélation véritable. Certains Pères de l’Église estimaient que les Sybilles antiques représentaient l’aspiration des païens à la révélation du Christ. En conférant à la vérité un fondement transcendant, la révélation lui accorde une exclusivité indépassable, avec le risque de l’absolutisme.

  Ensuite l’idée de révélation engage une conception originale de Dieu. Dieu n’est pas une notion théorique ou une expérience de l’infini mais l’Être qui parle. Croire, c’est entrer en relation avec l’Être autre qui s’adresse à moi. Le « je » et le « tu » ne peuvent exister séparément, ils sont dépendants l’un de l’autre. La Bible prend alors l’aspect d’un dialogue perpétuel entre Dieu et l’homme, déclinant tour à tour leurs dissensions, leurs confrontations, leurs ruptures et leurs retrouvailles…

Au sein même du monde chrétien, des problèmes insolubles se sont posés très tôt. À commencer par celui de l’interprétation : la révélation de Dieu est-elle si claire que ça ? Ou celui de la fermeture du canon. Existe-t-il des livres inspirés en dehors de la Bible ? Quel statut pour les apocryphes ou l’évangile de Thomas récemment découvert ? Ou encore la querelle entre catholiques et réformés à propos de la Tradition. Est-il acceptable que la révélation se parachève à travers une seule Église particulière ?

  Au-dehors, ce sont les incessantes chamailleries monothéistes qui n’admettent la révélation des autres que comme marchepied de la leur. Pour un chrétien, la Torah devient un enseignement qui prépare au Christ, ce que les juifs n’admettent pas. De leur côté, les musulmans considèrent que les gens du Livre, juifs et chrétiens, ont déformé et falsifié la révélation primitive rétablie par le Prophète dans le Coran, ce dernier écrit d’un bout à l’autre sous la dictée d’Allah.

  L’on pourrait encore élargir. Si Dieu a parlé jadis, pourquoi se tairait-il aujourd’hui ? Pourquoi ne se révèlerait- il pas dans des formes religieuses et des cultures très éloignées de la nôtre ?

  Pour en sortir, je suggère de prendre les choses par un autre biais. Et si la Bible développait une révélation sur l’homme ? Pourrait-on entendre par révélation cette vision dynamique de l’être humain dans laquelle je peux me reconnaître, parce qu’elle me dit qui je suis, comment je suis et qui je peux devenir ? C’est de cela dont je fais l’expérience dans la lecture et la méditation des Écritures qui, selon l’heureuse expression de Calvin, constituent notre « clair miroir ».

  C’est peut-être aussi cela qui fait lien entre les trois monothéismes. La Torah s’ouvre sur la création de l’être humain, les évangiles évoquent l’intimité entre l’homme et Dieu, le Coran se termine par une sourate intitulée « De l’homme »… Ces récits invitent à se situer dans un humanisme spirituel où l’être humain est adossé à une transcendance qui lui sert d’horizon. Une telle révélation pourrait constituer une source d’inspiration non négligeable en ces temps de mondialisation…

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Vincent Schmid
est pasteur dans l’Église protestante de Genève.
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