Le mot « secte » n’a pris que récemment un sens péjoratif. Autrefois, on l’appliquait à un courant de pensée ou de spiritualité sans que cela entraîne forcément un jugement négatif. En 1554, Castellion distingue des sectes « honorables », des sectes « impies » et des sectes « à mi-chemin » entre les deux. Dans son Entretien avec M. de Sacy (1655), Pascal qualifie de « sectes » des écoles philosophiques comme les stoïciens et les épicuriens. Au 19ème siècle, des protestants parlent tranquillement de la « secte luthérienne » et de la « secte réformée », pour dire que luthériens et réformés forment, au sein du protestantisme, des courants distincts.
Depuis un siècle, à la suite des travaux de Troeltsch (1865-1923), la sociologie des religions distingue « sectes » et « Églises ». Les Églises sont ouvertes sur la société, veulent dialoguer avec elle, participer à sa vie et à sa réflexion. Au contraire, les sectes sont hostiles au « monde » et entendent s’en séparer aussi radicalement que possible. Elles forment des communautés nettement délimitées avec des listes précises de membres, alors que les Églises n’ont pas de frontières facilement discernables et comportent une marge de gens dont on ne sait pas très bien s’ils en font partie ou non.
Aujourd’hui, on se sert du mot «secte» pour désigner des mouvements dont on estime les activités nocives pour les personnes et la société. Du coup, ce terme est devenu infamant et ceux à qui on l’applique protestent énergiquement, parce qu’ils y voient un reproche, une insulte, et qu’ils craignent de se voir condamner par l’opinion publique et dans certains cas par les tribunaux. On oublie qu’une secte, même extravagante pour le sens commun, peut être d’un point de vue éthique et juridique parfaitement respectable.