Un tableau représentant Jésus et intitulé Salvator Mundi (« sauveur du monde ») a été vendu ce mois-ci à New-York pour la somme astronomique de 450 millions de dollars. C’est, paraît-il, le tableau le plus cher du monde. J’ai beau me dire qu’il s’agit d’une toile et pas de l’évangile lui-même, j’en éprouve un sentiment d’indécence et d’aberration.
Cette opération me semble contredire le sens aussi bien religieux qu’esthétique du tableau. Il n’est plus une œuvre d’art, qui entend exprimer un message et susciter une émotion, il devient une marchandise à la fois chère et rentable (les acheteurs veulent, paraît-il, le louer pour des musées et des expositions).
Jésus, ou plutôt son image, tombe ainsi dans les mains de Mammon. C’est comme si on vendait un portrait de Gandhi pour financer le commerce d’armes ou une photographie de Mandela au profit de la propagande raciste. Jésus aurait été beaucoup mieux représenté (rendu présent) si ces millions avaient été utilisés pour secourir des miséreux.
La presse nous apprend que tant qu’on l’a attribué à un peintre obscur, ce tableau valait beaucoup moins. C’est quand on a découvert qu’il était de Léonard de Vinci que son prix est devenu vertigineux. Nous tombons dans l’absurde le plus pur. C’est sa qualité esthétique, autrement dit sa capacité de nous communiquer quelque chose et de nous émouvoir, qui donne à un tableau son importance. La signature de l’artiste ne le rend ni plus ni moins beau et ne devrait pas en multiplier le coût.