Autant l’avouer tout de suite, pendant longtemps je n’ai pas été très à l’aise avec nos credo. Bien des choses me gênaient. La principale est que je n’y retrouvais pas trace de l’Évangile : rien de l’agapè, rien de l’enseignement même du Christ. Faut-il dresser l’Évangile contre les credo ? Mais en fait ce n’est pas cela. Il y a, encore et toujours, un travail d’interprétation à faire. Ce qui, en vérité, me gêne, c’est le « je » du « je crois ». En quoi faudrait-il exposer sa foi personnelle, comme on expose ses œuvres au mur des galeries d’art ? Car justement la foi n’est pas mon œuvre, mais l’oeuvre d’un Autre en moi. Pourtant, je pense que nos credo et autres confessions de foi sont essentielles. Pourquoi ? Parce qu’elles me relient aux autres croyants. Comme le dit très justement Frédéric Chavel, ce qui importe, ce n’est pas tant que « je m’y retrouve, moi, mais que j’y retrouve les autres ». Relisons Marc 8. Jésus ne demande pas à Pierre : « et toi, qui dis-tu que je suis ? », mais bien « et vous, qui dites-vous que je suis ? ». C’est ce vous qui nous fait Église, qui nous constitue en nous, ce nous de la communauté ecclésiale. Et c’est au cœur de ce nous que peuvent retentir nos confessions de foi. Lorsque Pierre se risquera en je, avec audace et conviction, il s’entendra répondre : « Derrière moi, Satan » ! Souvenons-nous, la prière qui nous a été enseignée commence exactement ainsi : notre Père, littéralement en grec : « Père de nous ». Si notre foi ne peut s’expérimenter et se vivre qu’en je, dans cette subjectivité chère aux Réformateurs, il me semble qu’elle doit se dire en nous, dans cet entre nous du royaume déjà inauguré. C’est pourquoi je suis à l’aise avec les projets de déclarations de foi que l’EPUdF élabore en ces mois : ils cherchent à dire où nous en sommes aujourd’hui de notre compréhension de l’Évangile. Qu’importe au final que je préfère la première ou la seconde version, ce qui compte, c’est qu’elle exprime aujourd’hui, de façon fragile et provisoire, quelque chose de ce nous croyant.