Je m’appelle Emmanuel. J’ai plusieurs engagements dans la vie dont celui de servir notre Seigneur, mais aussi celui de servir en qualité de gendarme. C’est mon métier.
Affecté en Nouvelle-Calédonie de 2017 à 2021, j’ai pu servir mon prochain sous le soleil du Pacifique Sud.
Mon séjour sur le Caillou a été une expérience inoubliable. J’ai découvert ce lagon classé à l’UNESCO, et j’ai pu plonger parmi une faune marine exceptionnelle.
Amoureux de nature, j’ai exploré la Chaîne Centrale, idéale pour la randonnée, le Parc de la Rivière Bleue, où j’ai observé le cagou, oiseau endémique et emblématique de l’archipel.
La côte oubliée, côté Est, sauvage et préservée, offre des paysages spectaculaires et des rencontres incroyables. L’Île des Pins m’a émerveillé avec ses plages de sable blanc et ses célèbres baies de Kuto et d’Oro.
Les Îles Loyauté (Lifou, Maré, Ouvéa) m’ont permis de m’immerger dans la culture kanak, si riche et authentique.
J’ai été touché par l’accueil chaleureux des Kanaks, notamment lors de rencontres en tribu et d’événements comme la Fête de l’Igname. À Nouméa, j’ai apprécié l’ambiance entre modernité et traditions, déambulant en famille entre marchés colorés, baies des Citrons et le Centre culturel Tjibaou, véritable hommage à l’histoire kanak.
De ce séjour en famille, je retiens aussi les longues journées de travail, les missions soutenues dans lesquelles nous étions tous engagés face à une délinquance juvénile galopante et souvent non-maîtrisable. La foi m’a aidé et je viens ici vous en parler.
Dès le début de mon séjour, j’ai eu la chance de participer à une sensibilisation sur les us et coutumes kanak dans le cadre professionnel. Cette formation m’a permis d’aborder mon travail différemment. Si je n’ai jamais oublié mon engagement de chrétien, connaître plus finement les modalités d’approches du milieu kanak m’a été fort utile.
J’ai rapidement identifié que chez les Kanaks, l’ancien a une place à part. En tant que gendarme, nous intervenons dans des situations délicates et nous devons nous soucier de la place des aînés. C’est une forme de respect et de signification. L’ancien, c’est celui qui transmet son savoir, celui qui donne aux jeunes sa connaissance, celui qui transmet un héritage en quelque sorte. Le Kanak est attaché à cela, à son origine, mais aussi à sa terre !
Chez les Kanaks, les jeunes ont également une place particulière. Ce statut spécifique vient du fait qu’ils aient eu des liens avec les ancêtres. Lien créé depuis la vie intra-utérine durant laquelle on laisse part à de possibles contacts avec les morts.
Être gendarme dans ces situations, qui plus est chrétien, demande une gymnastique particulière. Dans le secret de mon cœur, j’ai souvent remis mes actions dans la prière. Je me souviens d’un homme qui avait battu sa femme. À mon arrivée à son domicile, j’ai demandé à voir le chef de famille. Je savais que c’était lui et que je venais le chercher pour l’emmener dans ma brigade. Mais en demandant le chef de famille, je reconnaissais son statut de chef. Une fois dans sa maison, j’ai demandé qu’il me présente les personnes présentes. Il m’a montré sa femme en me disant « voilà Marguerite ». « Je constate la décoration de ton foyer et j’apprécie la bougie sous la photo de Marie » lui dis je ! « Êtes-vous allé faire bénir vos alliances ? » « Oui, nous sommes allés à l’église, nous sommes catholiques » m’assurait il en réponse. «Alors Marguerite est avant tout le cadeau que Dieu t’a confié. Aujourd’hui, tes mains ont mal agi envers ton cadeau de Dieu. Tu vas me suivre pour régler le problème de la loi des hommes, ce ne sera pas long, mais quand tu reviendras chez toi peut être devras-tu t’agenouiller pour demander pardon au Seigneur ». Depuis ce jour, l’homme recherchait ma présence dans le véhicule lorsque les collègues passaient devant sa maison. J’avais témoigné auprès de cet homme, mais je témoignais également auprès de mes collègues qui voulaient savoir pourquoi cet individu courait derrière le véhicule sérigraphié !
Dans ces interventions, j’ai compris que la foi avait une importance capitale et souvent, la vie nous en éloigne. Nous nous laissons distraire, c’est la nature humaine. Bien sûr, les rencontres en famille furent également marquées par cette dimension spirituelle. Nous avons été particulièrement bien accueillis dans nombreuses tribus. Certainement grâce à nos enfants qui se montraient curieux d’apprendre des choses différentes. Et puis les enfants ont un statut particulier, ils ont une forme de grâce sur la vie qu’accorde généreusement le monde kanak. Nos enfants savaient cela et ils ont pu voir le Caillou sous un angle particulier.
Ce voyage m’a profondément marqué. Entre lagons turquoises, montagnes majestueuses et rencontres inoubliables, la Nouvelle-Calédonie restera pour moi un véritable paradis. Ma femme dit que le Seigneur y est certainement pour quelque chose…
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